Papa d'un petit Louka, le Saint-Quentinois Rudy Carlier a pris du recul avec les clichés de la réussite. Pour mieux rebondir en Espagne, sa seconde patrie.RUDY CARLIER a de quoi disserter sur les soi-disant autoroutes de la gloire.
Avant-centre attitré des équipes de France jeunes, des moins de 16 aux moins de 20, auteur d'un but à Barthez « himself » au Vélodrome, à seulement 20 ans, meilleur réalisateur du Festival Espoirs de Toulon : une voie royale était promise au Saint-Quentinois. Jusqu'à ce que son destin de jeune pro au RC Strasbourg le « déroute » sur Gueugnon et la L2.
« Zvunka m'a cassé » Premier détour et première rencontre qui « casse » avec Victor Zvunka : « Il voulait me descendre et il a réussi en donnant de moi une mauvaise image. C'était du genre : « il a peut-être marqué un but à Barthez mais moi je vais lui apprendre le métier. » »
Gueugnon, Clermont, re-Strasbourg, l'Espagne (Ferrol puis Eibar en Segunda) : l'autoroute n'a abouti qu'à des chemins de traverses. D'autres se seraient perdus en route, Rudy Carlier a choisi de faire de la résistance : « Finalement, toutes ces expériences m'ont enrichi. »
Reste le regard des autres, de ses proches mêmes, qui auraient tendance à considérer sa carrière comme un échec : « Je vais retourner cette semaine à Saint-Quentin : si je dis que je vais jouer la saison prochaine en Espagne dans un club de niveau du National, les gens vont se dire : Rudy, c'est fini. »
Fini selon les standards du star-system en cours. Car dans une autre vie, Rudy avance. Papa d'un petit Louka depuis le 10 mai, il a pour compagne Suzanne, « la jeune fille rencontrée à Strasbourg, à 17 ans ».
En Espagne, le footballeur a commencé aussi à se faire un nom. Au point que celui-ci n'envisage pas un retour en France. Annoncé en contact avec le Stade de Reims sur un forum, il dément… Depuis janvier où il a résilié son contrat, l'attaquant n'a plus de fil strasbourgeois à la patte. Rudy a perdu la sécurité mais il a gagné sa liberté : « Mes agents discutent avec plusieurs clubs. On me connaît en Espagne, j'ai mes réseaux et ma carte d'entrée là-bas : c'est plus facile… »
Vers un retour à Ferrol Santander, l'Athletic Bilbao, et même le Genoa en Italie se sont renseignés. Valorisant mais le Saint-Quentinois en a soupé de jouer les jokers : « Je dois bien réfléchir. Peut-être que j'ai intérêt à jouer en 3e division espagnole et faire mes 20-25 matches par saison. »
Ses 23 ans offrent du temps au « gamin » qui, physiquement, s'est déjà étoffé : « Je suis passé de 76 à 79 kg. Ce n'est pas de la graisse, j'ai fait beaucoup de muscu. On le voit avec Savidan, un attaquant a, plus que d'autres, besoin de maturité pour exploser. »
La réussite, le jugement des autres, Rudy Carlier a appris à relativiser : « Un éducateur de l'AS Cannes m'a dit un jour : le champion, c'est celui qui a envie de jeter l'éponge mais qui ne le fait jamais. » En fin de semaine, histoire de partir « tranquille » en vacances, le surdoué de la rue Jacques-Blanchot retournera certainement au Racing Ferrol, là où en 2007-2008, il n'a laissé que des bons souvenirs : « Cette fois, ma petite famille sera avec moi. J'avais tellement besoin d'eux que je faisais les allers et retours Eibar-Strasbourg tous les week-ends.
Etre papa, ça change une vie. Dimanche, j'ai reçu mon premier cadeau : un bracelet marqué « Papa de Louka ». »
Jean-Pierre PRAULT
Source : L'Union